Ce site met à disposition des textes et paroles écrites de l'abbé

Pierre Bellégo

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«Évangéliser», c’est révéler un nom. Le nom mystérieux que tout homme porte inscrit au plus secret de lui-même, qu’il s’efforce de déchiffrer dans la complexité de sa nature, dont il tente de capter les sonorités dans toutes les paroles qui l’atteignent. Ce nom, c’est celui de Jésus. L’homme reste une énigme à ses propres yeux tant qu’il n’a pas découvert ce nom à la source de son être Chrétiens, notre foi est vaine et irréelle tant qu’elle ne suscite pas les attitudes de vénération et de service qui proclament, parce qu’il porte le nom de Jésus, est une réalité sacrée.

L'aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.84.

La foi chrétienne se dégrade en idéologie si elle ne suscite pas les attitudes de vénération et de service qui proclament que tout homme, parce qu’il porte le nom de Jésus, est une réalité sacrée. »

L'aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.369.

L’Évangile sera sans force sur le cœur des hommes, la Bonne Nouvelle passera pour illusoire ou mensongère tant que nous nous contenterons de la proclamer ou de la chanter, tant que nos mains n’oseront pas se poser sur des mains souffrantes, tant que nos yeux n’auront pas de larmes pour pleurer avec ceux qui pleurent. »

L'aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.171.

Se mettre au travail dans ce monde tel qu’il est, essayer de le rendre plus beau, d’y faire avancer la fraternité, la justice et la paix, c’est être croyant. Poursuivre ce travail malgré les échecs répétés, avec la certitude que, par la puissance de l’Esprit, tout ce que par amour, on essaie de lier, même si cela doit être sans succès, est lié « dans les cieux », c’est vraiment être chrétien.

L'aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.110.

L’espérance devient une insulte à la misère de l’homme si elle n’est que promesse pour demain. C’est dans la terre d’aujourd’hui qu’elle doit mûrir ses fruits aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.61.

L'aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.110.

Il faut et il suffit qu’un acte émane d’un cœur pauvre qui ne recherche que les communions de la vie et non l’affirmation de soi pour qu’il soit saisi par la puissance agissante du Christ ressuscité et devienne créateur des communions du Royaume. »

A la source de l’agir chrétien, p.65-57.

L’Église ne serait pas l’Église si elle n’était indissociablement liée à Jésus-Christ, mais elle n’existerait pas non plus si elle n’épousait le monde dans toutes ses dimensions. L’Église ne peut connaître Jésus-Christ et l’ampleur du salut qu’en le découvrant à l’oeuvre jusque dans les créations nouvelles du monde d’aujourd’hui. Pour dire Jésus dans sa plénitude, il faut qu’elle demande aux idées que les hommes découvrent, comme aux mots nouveaux qu’ils forgent, ce qui en eux est un écho, jusqu’ici non entendu, du Verbe éternel. Elle serait infidèle au Christ et elle le mutilerait si, attachée au seul passé, elle n’accueillait pas en elle le monde qui vient au jour en ce temps avec ses recherches, sa sensibilité propre, ses efforts d’expression. Ce monde, il doit être sauvé et il ne peut l’être que si l’Église fait corps avec lui, car c’est alors que l’Esprit poursuivra dans ce monde nouveau, fruit du travail de l’homme, son travail de salut pour en faire une extension nouvelle du Corps du Christ. C’est pourquoi, entraînée depuis sa fondation par le dynamisme de progrès qu’est la Tradition, l’Église ne s’immobilise pas dans la contemplation de son passé mais avance, les yeux fixés sur les espaces nouveaux où elle va creuser son sillon et jeter la semence.

Paroles offertes, p.111.

La mission de l’Église est d’ensemencer le Royaume dans le champ des réalités terrestres; alors, l’angoisse est exorcisée et ne peut plus dominer nos coeurs. Encore faut-il que notre Église soit fidèle à sa mission. Et cela dépend de nous. Car s’il est vrai que c’est le Christ qui bâtit l’Église comme il l’a promis, c’est par nous qu’il exerce ce pouvoir. C’est dans nos intelligences, nos volontés, nos coeurs, qu’il fait passer son énergie qui édifie l’Église. Il dépend donc de nous, de notre vigilance, de notre amour éveillé et exigeant que l’Église soit plus vivante dans ses rites, plus fraternelle dans ses rapports, plus accueillante aux appels de l’avenir et du renouvellement, plus fidèle à sa mission pour semer l’énergie salutaire de Dieu, et aussi annoncer le Royaume...

L'aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.390.

« Je n’ai jamais accepté de cautionner, encore moins de favoriser, la distinction qui opposerait le monde à l’Église, comme si l’Église constituait une identité à part du monde et qui ne lui devrait rien. Une telle manière de voir me semble être la négation même de la foi qui consiste justement à reconnaître qu’il n’y a plus, dans les réalités concrètes de la vie humaine, de zones profanes, c’est-à-dire des secteurs qui ne seraient pas -au moins partiellement- irrigués par la grâce de Dieu.

Paroles offertes, p.24.

Partout pointent les clochers -doublés par ceux des temples protestants- et s’étalent les grandes bâtisses des multiples institutions religieuses. Comment ne pas penser à notre Bretagne ou à notre Vendée, ainsi qu’au Canada et comment les secousses de mai 1968 y ont ébranlé des congrégations qui semblaient pourtant florissantes et solides... Il arrive que par une évolution imperceptible l’Église qui se voulait servante de l’homme et particulièrement des pauvres, devienne une puissance que son succès même rend dominatrice: elle se vide alors de son Esprit et n’a plus ni sens ni consistance. Peut-être serais-je resté sur une interrogation inquiète si, vers la fin de mon séjour, je n’avais eu la chance d’être témoin, dans la région de Fenerive-Est, de la vie d’une « église » modeste, soucieuse d’éduquer lentement les habitants à assumer eux-mêmes aussi bien la responsabilité de petites exploitations rurales que celles d’une communauté chrétienne. Tout cela avec des moyens limités mais tous adaptés aux conditions réelles de la vie et adoptés au terme d’une réflexion commune par une décision qui, à la fois, exprime et soude le groupe. J’ai vu là une « église » simple et fraternelle qui sera mon « beau souvenir de Madagascar ». … Et j’ai vu aussi, il y a à peine quelques heures, dans un des si tristes quartiers de la périphérie de Tananarive, un Carmel, « coincé » entre une prison ignoble et une maison d’enfants affreusement atteints dans leur corps et leur cerveau et, au milieu d’eux, un prêtre si proche, si familier, si « accordé » qu’il réussissait à éveiller leur regard et à les faire rire...) C’est une lumière d’espérance que je vais rapporter avec moi.

Retour de Madagascar, 17 mai-8 juin 1994, manuscrit inédit, p.5-6.

Renversant nos perspectives habituelles, il nous faut donc reconnaître que le premier objectif des sacrements de l’Église n’est pas le salut de ceux qui les demandent et les célèbrent dans la foi, mais le salut de tous les hommes qui, délibérément, acceptent la vie et ses solidarités et se situent ainsi au cœur même de l’existence humaine atteinte par la semence du salut qu’y déposent les sacrements de l’Église.

Sauver ce qui était perdu, p.20.

Un jour viendra où, dans la maturité de leur foi, les chrétiens qui, par exemple, viennent célébrer « leur » mariage, ne le feront pas pour bénéficier d’un amour assez fort pour défier l’érosion du temps mais pour que, par leur médiation ce soit l’amour lui-même, présenté à la consécration de l’Église, l’amour lui-même comme réalité de la vie humaine qui devienne réalité de Salut pour tous les êtres humains qui s’avancent généreusement sur les chemins de la tendresse humaine.

Sauver ce qui était perdu, p.52.

Dans le baptême, et plus spécifiquement quand il s’agit d’un tout petit enfant incapable de poser un acte humain libre, ce n’est pas une personne humaine constituée dans sa manière particulière d’être qui s’ouvre librement du germe de salut remis à l’Église. C’est plutôt la condition humaine comme telle, atteinte dans son essentielle unité, le simple fait d’exister librement comme homme qui s’ouvre à la source vivifiante du salut jaillissant du Christ ressuscité et confié par Lui à l’Église.

Sauver ce qui était perdu, p.48.

« L’efficacité de notre prière reste à la mesure de notre communion aux réalités de la vie. Si par indifférence, mépris ou lâcheté, nous décollons du monde et nous plaçons en marge, les énergies divines ne trouvent plus de passage et viennent battre contre notre cœur fermé, notre coeur endurci… Elles ne peuvent plus transformer le monde où nous vivons puisque nous ne leur en permettons plus l’accès. Pour bien prier, nous devons être profondément hommes, regardant la vie en face, aimant nos semblables et toutes les créatures comme Dieu les aime. Cette adhésion de tout notre être à la réalité apparaît aujourd’hui essentielle. »

Trois entretiens avec Pierre Bellégo, 179.

Notre Père… Dire « notre », c’est sortir délibérément de l’isolement et de l’égoïsme pour s’immerger en plein courant de l’histoire humaine. C’est se relier aux hommes de tous les temps, se vouloir solidaire de tous ceux qui, héritiers du passé, préparent par leur vie d’aujourd’hui les lendemains de l’humanité. Ce « notre » que je m’essaie à dire, il est de lui-même universel; il franchit toutes les barrières de race, génération, de classe, et il donne à mon coeur une ouverture sans limite. Il fait de moi, qui suis pourtant si étroitement enfermé dans le temps et l’espace, un « frère universel ». Dire « Père », c’est affirmer l’existence d’une source absolue. C’est dire qu’il y a un être qui non seulement est vie mais vie-qui-se-donne. Un être pour lequel la paternité n’est pas une qualité surajoutée, accessoire, mais dont l’essence même est d’être jaillissement incessant de vie toujours neuve et toujours communicable. Est-il vraiment si difficile de dire « notre » quand il suffit de prendre le métro ou de sortir dans n’importe quelle rue du quartier pour entendre parler toutes les langues du monde et croiser des hommes et des femmes de toutes les nations de la terre. Est-il vraiment si difficile de dire « père » quand le spectacle de la misère humaine fait monter en nous le cri de l’espérance et quand on a la grâce inexplicable de la foi.? Il suffit alors de dire « notre Père » pour que, dans notre coeur priant s’établisse la rencontre de Dieu, source de vie et de l’humanité d’aujourd’hui et que se poursuive ainsi, dans cet acte de prière, le travail de salut

Paroles offertes, p.302-303.

Porté par le dynamisme de ces cinquante années, je voudrais aujourd’hui vous inviter, vous, les chrétiens des temps qui viennent, à poser sur le monde un regard attentif et vénérant, à recevoir ses paroles avec un esprit nourri d’Évangile et donc plus prompt à accueillir qu’à condamner, capable de discerner dans l’expression touffue des recherches et des découvertes quelque chose de l’éternelle Vérité de Dieu. Avec Teilhard de Chardin, je vous dis: « Pourquoi donc craindre ou bouder les progrès du monde ?... Nous n’espérerons jamais assez de l’unité humaine croissante. » Dans cette détermination que je dis paisible, se glisse pourtant, il me faut l’avouer, une inquiétude: elle porte sur l’Église et son mode de présence au monde de ce temps. Comme tout chrétien, l’Église est soumise à la loi paradoxale qu’énonce l’Évangile: « Qui perd sa vie la sauve. » Et si sa vie c’était le caractère incontestable de ses affirmations, la fermeté inébranlable de ses directives, son prestige… comment pourrait-elle accepter de la perdre sans courir le risque de voir compromise la réussite de sa mission ? Lui faudra-t-il avancer vers une totale identification avec celui qu’elle reconnaît pour son Seigneur et qui, torturé, moqué, rejeté n’avait même plus de nom qui lui soit propre ? Pour Pilate, il n’était plus que « l’homme. » A Pierre qui, sur le bord du lac, lors de leur dernière rencontre, portait déjà cette inquiétude, Jésus répondit par ces trois mots: « Toi, suis-moi. »

L’aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, p.173.

Le mot « salut » lorsqu’il déploie toutes ses harmoniques, veut désigner la Création établie dans sa splendeur ultime par sa participation à la gloire du Christ Ressuscité, si bien que la vie dans ses innombrables formes chante l’amour infini qu’est Dieu lui-même. Cet état qui concerne la création dans sa totalité consiste, quant à l’homme, en ce qu’il est et se sait définitivement doué d’une capacité d’aimer en vérité et en plénitude et de demeurer ainsi en profonde communion avec Dieu. L’homme se trouve alors spontanément accordé à la volonté de Dieu telle qu’elle est exprimée par le prophète Michée: « Accomplir la justice, aimer avec tendresse, marcher humblement avec ton Dieu... » ou par Jésus lui-même dans les Béatitudes. Le foyer rayonnant de cette re-création harmonieuse où une vie nouvelle triomphe de toutes les forces de mort est le Christ Jésus dans le dynamisme de sa Résurrection lui qui proclame: « Voici, je fais toutes choses nouvelles, le monde ancien s’en est allé; la mort ne sera plus. C’en est fait: l’Alpha et l’oméga, le commencement et la fin, c’est moi. » Pour atteindre toutes les réalités de la vie dans leur diversité, la puissance de re-création passera par la médiation des chrétiens: répondant à l’appel de la foi, ceux-ci se veulent pleinement solidaires et des hommes dans leurs multiples formes d’existence et de Jésus dans son « entreprise » de salut; Ces hommes, ces chrétiens constituent l’Église où s’ébauche encore obscurément dans les rites sacramentels la rencontre de Jésus-Sauveur et des hommes qui consciemment adhèrent à Jésus en attendant de lui le Salut qu’ils espèrent. L’Église est le lieu où la « vie » dans ses multiples formes se charge, par le ministère des chrétiens de l’énergie de Salut.

Sauver ce qui était perdu, p.50-51.